Bal impérial est tout d'abord une invitation de la ville de Vienne faite au Sidi Larbi Cherkaoui, à commémorer le bicentenaire de la naissance de Johann Strauss fils. Cette proposition offre à l'artiste une parfaite occasion pour interroger, au-delà des codes et des genres, la nature même du bal et du ballet, leurs racines communes et leurs différences. Du Versailles de Louis XIV aux ors de la Hofburg viennoise, l'aspect social de la danse ne cache-t-il pas un outil politique ? Car derrière la musique et le mouvement, les tensions et les conflits semblent enterrés, l'attention aux problèmes d'une nation semble détournée et tout ce qui dérange semble se lisser, s'effacer presque. Valse ou marche militaire, danse ou défilé, dans les deux cas la mise en scène et le charme de la manipulation priment sur le réel.

On connaît la fascination de Sidi Larbi Cherkaoui pour l'Empire du Soleil levant. C'est souvent dans cet ailleurs qu'il trouve son inspiration, adoptant ainsi un regard singulier sur notre propre étrangeté. Grâce à la musique japonaise, Sidi Larbi Cherkaoui nous propose une mise en perspective sur son objet d'étude, un nouveau point de vue sur nos croyances et comportements, dans une vision décalée qu'il exprime à travers les corps et les mouvements des danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève.

Familiers de l'univers créatif du chorégraphe, trois musiciens japonais feront face à l'Orchestre de la Suisse Romande et à son interprétation des valses et danses viennoises. Tsubasa Hori, percussionniste de taiko et de musique contemporaine, Shogo Yoshii, musicien qui a parcouru la campagne japonaise pour étudier la musique folklorique avant d'intégrer le groupe de percussionnistes Kodō et l'interprète et chanteur Kazutomi « Tsuki » Kozuki, fidèle du chorégraphe. Tim Yip, talentueux artiste hongkongais, signait les costumes ainsi que la scénographie. Il a auparavant travaillé comme chef décorateur sur des films tels que Tigre et Dragon mais a également collaboré avec de nombreux artistes reconnus, de Bob Wilson à Akram Khan ou Franco Dragone. Tous ensemble, ils rejouent cette confrontation culturelle entre Orient et Occident, entre passé et présent. Face à la valse, visage musical de l'Europe impérialiste d'aujourd'hui et d'antan, Sidi Larbi Cherkaoui propose une danse fluide, violente mais toujours sensible.